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Le Congo aux Congolais : Non à la guerre et au pillage mondialisé
Le Congo aux Congolais : Non à la guerre et au pillage mondialisé
Le Congo aux Congolais : Non à la guerre et au pillage mondialisé

Le GRILA (groupe de recherche et d’initiative pour la libération de l’Afrique) déplore l’instabilité qui sévit encore en République démocratique du Congo, la reprise des hostilités à Bukavu et les exactions perpétrées contre l’interposition des Nations Unies. Le GRILA rappelle l’importance historique du Congo pour le développement du continent africain et dénonce la nébuleuse affairiste qui, sous la houlette de l’impérialisme et de réseaux militarisés, abuse du droit d’ingérence, instrumentalise le désordre. Cela aurait provoqué la mort de près de 4 millions de personnes, le déplacement de 2,5 millions de personnes, le pillage des ressources de la région et la destruction de l’environnement. Alors que le revenu per capita des congolais a chuté à 85$, que près de 40% des 55 millions de congolais n’ont plus accès aux services de santé, que 33% sont mal- nourris, le pillage systématique des ressources alimente autant le conflit que les circuits de corruption et de contrebande à travers le monde, principalement vers des pays du centre.
C’est pourquoi à l’occasion de la tenue du G8 et de la rencontre d’Ottawa sur le Congo, le GRILA recommande aux décideurs et à toutes les personnes qui œuvrent pour la pacification, la démocratisation et le développement du Congo de tenir compte des éléments suivants :
• Le Congo est un miracle géologique riche en eau et le mieux pourvu dans l’essentiel des richesses minérales planétaires connues. Le Congo illégalement occupé et agressé, pâtit de la criminalisation de son économie politique. La défense de sa souveraineté en incombe autant au régime de transition qu’à l’Union Africaine et à l’ONU.

• Aux transnationales des matières premières des années 90 comme Barrick Gold Co., Consolidated Eurocan venture du Lundin, Anglo american C0., AMFI qui ont entrepris comme ailleurs d’y remodeler le paysage étatique, se sont adjoints des firmes juniors, des opérateurs économiques locaux et internationaux. Se sont dès lors sophistiqués leurs réseaux de contrebande ainsi que des réseaux d’élite de pays puissants ou non et de leurs valets congolais. Ils sont tous à l’origine du conflit congolais, profitent de la déliquescence de l’Etat et instrumentalisent le désordre dans le sens de leurs intérêts.

• Les rapports de plus en plus édulcorés et timorés des panels des experts des Nations Unies montrent le peu de cas qui en est fait par l’OCDE, et les tenants de l’actuel ordre mondial qui n’ont pas de politique cohérente dans le pays, mais s’assurent de rendre l’exploitation des ressources accessible.
Un système d’impunité au niveau international et national perdure depuis une quarantaine d’années au Congo, avec une recrudescence déplorable dans la dernière décennie, malgré une volonté affichée de la communauté internationale et de sa société civile de s’en détourner.
• Classé au 167 è rang sur 175 pays par l’indice de développement humain du PNUD, le Congo aurait exporté officiellement pour l’an dernier seulement pour 642 millions de $ de diamants et n’en aurait retiré que 27 millions de ristourne en taxe d’exportation. Ce secteur à lui seul illustre l’affairisme du système politique, la guerre et les affres de la mondialisation débridée. Dans les faits, la MIBA et la Sengamines , secteur locaux de production, sont gangrenés par la corruption et la mal gestion, mais ne représentent qu’une infime portion de l’extraction et la commercialisation du diamant qui sont plutôt l’œuvre de circuits informels. Le commerce illégal du diamant, manne pour tous ceux qui occupent illégalement le pays ou le pillent, par l’entremise d’un réseau de plusieurs centaines de milliers d’extracteurs artisanaux et négociants, est un maillon important de la mondialisation capitaliste.

• Le Canada est impliqué à différents niveaux dans le secteur du diamant et des richesses minérales. Le panel de l’ONU de 2002 avait accusé 29 compagnies et 54 personnes de violer les principes directeurs de l’OCDE et avait recommandé des sanctions. Parmi elles des compagnies canadiennes, American Mineral Fields (AMFI), Banro, Harambee, First Qauntum mineral Co., International Panorama resources Co., Tenke Mining Co., Kinross Gold Co., Melkior Resources Inc. qui ont toutes rejetées les allégations. Dans ses rapports subséquents, le panel les absout sans substantielles explications, alors que le point national de contact de l’OCDE du Canada s’était limité à des compléments d’informations. Le panel du conseil de sécurité de l’ONU a été forcé de retirer ses allégations, et sous la pression des intérêts nationaux et des firmes, a mis un terme à ses travaux et a classé les incriminés dans les 4 catégories ci- après- ce qui en passant leur permet de poursuivre leurs activités- : cat.1 celles qui avaient résolues leur statut; cat. 2 étaient en voie de résolution; cat.3 vont devoir mettre à jour les éléments d’enquêtes devant le point de contact national de l’OCDE (c’est le lot des compagnies canadiennes) ; ou cat.4 sont renvoyées à leur palier de gouvernement pour enquête. Les anomalies relevées quant aux conclusions du rapport des experts indexent la transparence et la responsabilité des pays membres de l’OCDE et leurs compagnies. La MIBA société locale congolaise a signé l’an dernier un contrat d’exclusivité de commercialisation avec la canadienne Emaxon Finance International mais qui aurait pignon sur rue à Montréal. Non seulement on peut questionner la validité de transactions effectuées dans un contexte de guerre, mais plusieurs doutes subsistent sur les clauses d’adjudication et les paliers sensés valider la certification de Kimberley.
En vertu de ce qui précède le GRILA recommande et demande instamment :
- Que les gouvernements de la région qui pilotent l’occupation et la déstabilisation du Congo cessent immédiatement leur comportement prédateur sous peine d’être exclu de l’Union Africaine et d’encourir des sanctions. Que l’Union Africaine considère la zone de l’Afrique centrale comme sa priorité stratégique, qu’elle se dote d’une commission panafricaine d’enquête sur les crimes de guerres, et sur les crimes économiques en RDC au sein de la Cour qu’elle vient de créer. Que toutes les parties en conflit protègent les droits de la personne et particulièrement ceux des femmes et des enfants. Qu’elles autorisent l’accès d’enquêteurs internationaux et panafricains aux zones sous leur responsabilité. De permettre les conditions d’un retour consenti des réfugiés et des déplacés et la reprise de l’activité politique et socio-économique. Que l’Union Africaine fasse tout ce qui est en son pouvoir pour que la communauté internationale accroisse son soutien aux organisations des droits de la personne et du développement au Congo afin qu’elles puissent s’acquitter de leur mandat.
- Que le gouvernement de transition du Congo prenne les mesures qui s’imposent pour le respect des accords de paix et de gouvernement et la tenue en 2005 d’élections démocratiques et qu’il mette entre-temps un terme à la criminalisation de l’Etat et à l’impunité. Que le gouvernement procède à une réforme transparente du secteur des ressources naturelles et la renégociation des concessions sous supervision d’un collège indépendant de patriotes congolais intègres assisté par l’ONU. Que le gouvernement de transition participe en toute transparence au processus de re-politisation démocratique des masses dans une perspective panafricaine.

- Que l’ONU augmente la sécurité de ses experts et personnel en mission au Congo et que les pays du Centre s’en montrent garants. Que la MONUC soit dotée de plus de moyens pour mener à bien sa mission, y compris le droit de riposte tel que le stipule le Chapitre 7 de la Charte des Nations Unies. Que l’ONU supervise la mise en place d’un code de responsabilités des entreprises contraignant et obligatoire et qu’elle crée une instance permanente de surveillance des opérations économiques transnationales et internationales dans les zones en conflit. Que la CNUCED surveille les circuits mercantiles de matières premières en zones de conflit (de l’or au coltan, des matières ligneuses à la faune) et qu’elle s’assure du processus de Kimberley dans les transactions diamantifères. Que l’ONU supervise le rapatriement des sommes issues des enrichissement illicites dissimulées dans les avoirs des pays du centre et qu’elles soient confiées à une haute autorité en charge du développement du Congo et de la restauration des dégâts environnementaux issus du pillage minier. Que l’ONU par l’entremise de son conseil de sécurité assortisse la MONUC d’un observatoire de la région des grands lacs.

- Que l’OCDE respecte autant les normes des droits de l’homme pour les affaires de l’ONU que l’indépendance des panels des experts onusiens. Qu’elle applique intégralement les règles souscrites par son code directeur et y insère des normes strictes relatives au droit au développement et aux droits humains. Que l’OCDE soumette toutes les firmes opérant au Congo, et principalement celles déjà indexées, à une rigoureuse surveillance et encourage celles qui ont un comportement responsable. Que l’OCDE procède au gel des avoirs illicitement détournés du Congo par tous les précédents régimes et qui s’abritent sur son territoire, jusqu’à l’avènement d’une instance supervisant leur rétrocession au bénéfice du développement et de la paix du Congo.
- Que le Canada, qui a parrainé la résolution sur les droits de la personne en RDC à la 58 ème session de l’ONU, soit dès lors conséquent et davantage responsable des agissements de ses opérateurs économiques. Que si le Canada continue de promouvoir ses firmes, qu’il accorde plus de pouvoir et d’importance à son point de contact de l’OCDE et se dote d’un code d’éthique obligatoire pour ses opérateurs économiques en Afrique. Que le Canada permette à des experts indépendants, impartiaux et imputables de son parlement de participer à l’approfondissement des enquêtes sur les compagnies et sur toute affaire litigieuse regardant le Congo. Que le Canada et les pays de l’OCDE conditionnent leur aide bilatérale aux pays incriminés de déstabilisation du Congo à l’arrêt de celle ci ainsi que du pillage de ses ressources. Que le Canada impose le strict respect des principes directeurs de l’OCDE et tout autre code obligatoire et souhaitable à ses firmes et en fasse une condition d’éligibilité au fonds canadien pour l’Afrique.
GRILA
www.grila.com

Réferences:
La prise de Bukavu par des chefs militaires accusés de crimes contre l’humanité et qui bénéficient du soutien du RCD-Goma et du Rwanda
Eric Kennes, Le secteur minier au Congo,; Déconnexion et descente aux enfers, in Reyntjens F., Marysse S., L’Afrique des grands lacs, l’Harmattan, 2000
Baracyetse Pierre, Les sociétés minières à l’assaut de la RDC
Mwayila Tshyembé, Ambitions rivales dans les grands lacs, Manière de voir 51, 2000
4 rapports de groupes d’experts mandatés par le conseil de sécurité de l’ONU existent.
Les États-Unis ont une politique de containment du Soudan qui satellise plusieurs États et mouvements de la région.
GRAMA, L’exploitation des ressources naturelles en situation de conflit, UQAM, 2 Avril 2004
Chris Dietrich, RDC, Revue annuelle de l’industrie du diamant, PAC, 2004.
Unanswered questions : companies, conflict and the Democratic Republic of Congo, RAID, 2004
Emaxon anciennement dirigée par le groupe Dan Gertler International qui détenait avec International Diamonds Industry un quasi monopole du diamant congolais au début des années 2000- et dont actuellement le principal actionnaire est FTS Worlwide corp. serait enregistré à Panama
ibid PAC 2004
Civil society declaration on illegal exploitation of resources, Kinshasa, CENADEP-March 13, 2003
financements, effectifs, désarmement, démobilisation, embargo sur les armes
options for promoting corporate responsibility in conflict zones : Perspectives from the private sector, International Peace Academy
il n’existe pour l’instant que des recommandations non contraignantes. Cf principes directeurs, www.ncp-pcn.gc.ca
Il faut encourager le Canada qui co-préside le groupe des amis des grands lacs et co-organise la conférence internationale pour la paix et la sécurité dans la région des grands lacs